Des monuments aux morts pour « faire commun »

Modifié par Clemni

En 1921, trois ans après la fin du premier conflit mondial, la tombe d'un soldat inconnu a été installée sous l'Arc de Triomphe, à Paris. En 1923, une flamme y est ajoutée, qui ne s'est depuis jamais éteinte et qui est ravivée tous les jours afin que ce soldat inconnu « ne meure pas une seconde fois, victime de l'oubli et de l'indifférence ».

Les monuments aux morts rappellent effectivement notre mémoire et honorent les soldats morts pour la patrie. Avant tout, ils affirment la réalité de l'existence passée de ces hommes, le plus souvent jeunes, et la réalité incontournable de leur droit à notre reconnaissance. Dans cette mesure, ils célèbrent la profondeur du lien qui unit entre eux, même par-delà la mort, les citoyens d'un pays. Ce qu'ils ne font pas – ou ne devraient pas faire – en regardant seulement vers le passé, mais bien en faisant avancer les vivants sur la voie de leur avenir.

Vinciane Despret, dans Les Morts à l’œuvre (2023), témoigne du fait que des citoyens ordinaires, des collectifs, des villages ou des villes, peuvent, grâce à la fondation des Nouveaux commanditaires, passer commande d'un monument aux morts et participer activement à sa réalisation. L'autrice témoigne en particulier de la belle et remarquable aventure de la commande en 2016, par les citoyens des communes de Valdois et d'Offemont, dans le Territoire de Belfort, d'un monument aux morts rappelant le courage des soldats des commandos d'Afrique, venus d'Alger dans les bois de l'Arsot en novembre 1944, défendre la France au prix de leur vie.

Après avoir longuement écouté les commanditaires pour comprendre leurs motivations, l'artiste américain Oscar Tuazon a réalisé, en bois local, Le Pont sans fin. Cette œuvre réussit à faire commun, selon l'expression de Vinciane Despret : à faire communiquer et à relier le quartier d'Arsot, où vivaient les familles pauvres, majoritairement immigrées et reléguées dans ce lotissement suite aux rénovations des vieux quartiers de la ville de Belfort, à ceux plus aisés de Valdoie et d'Offemont. Portant l'inscription des noms des soldats morts, l'œuvre, issue de longs entretiens, parfois d'âpres controverses, réussit, en produisant un récit commun du passé, à réunir et solidariser les vivants.

Questions

  • Ne jugez-vous pas surprenant de demander aux morts une nécessaire aide à vivre ? Pourquoi cela vous semble-t-il, le cas échéant, impossible ? Pourquoi, sinon, nécessaire ?
  • Comment cette réflexion vous conduit-elle à repenser à nouveaux frais le devoir de mémoire ?

Pour aller plus loin

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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